Né probablement à Saint-Donat-sur- L’herbasse Drôme), sa « Vida » raconte que son œuvre est un pamphlet contre les exactions des armées croisées sur toutes les terres de la vallée du Rhône puis sur celles du Languedoc.
Il dénonce le traitement réservé par Simon de Montfort à la Dynastie des Trencavel et en particulier la mise à sac de Béziers (1209), le massacre de Carcassonne (1209) et la mort de Raymond-Roger Trencavel (1209), la tuerie de Minerve(1210).
Dès le début du XIIe, les comtes de Toulouse deviennent les grands protecteurs des troubadours. Ils n’hésitent pas à s’entourer de poètes qu’ils accueillent avec bienveillance au sein de leur cour. Ce phénomène est d’ailleurs une des manifestations de la rivalité politique entre Toulouse et les grandes maisons voisines, celle des ducs d’Aquitaine , rois d’Angleterre, et surtout celle des comtes de Barcelone, rois d’Aragon.
La cour comtale brille autant par la diffusion de l’esprit de la lyrique courtoise que par sa capacité d’attraction : les comtes réunissent les conditions matérielles et sociales nécessaires à la constitution d’une cour, lieu de création et de réception de la poésie, du chant et des spectacles de jonglerie.
C’est ainsi que se trouvent une quinzaine de troubadours tels Peire Vidal, Gaucelm Faidit, Raimon de Miraval, Jaufré Rudel, Guillem Ademar, Aimeric de Peguilhan, Guillem Figueira et Gui de Cavaillon, que les comtes, d’Alphonse Jourdain à Raimond VII, associent à leurs déplacements soit dans le contexte guerrier soit dans les visites protocolaires à leurs vassaux. C’est ainsi que naît et se perpétue encore aujourd’hui la cérémonie annuelle des Jeux Floraux où se fête l’art poétique occitan.
Il célèbre la victoire des Albigeois contre les Croisés avec les victoires de Raymond VI qui reconquiert ses fiefs. Il accuse Simon de Montfort de sa cruauté, sa sauvagerie aveugle, sa fourberie lors des sièges de Toulouse (1216 puis 1218).
Il a vécu longtemps en Lombardiefuyant comme tant d’autres les troupes royales et les tribunaux inquisitoriaux ?
On conserve de lui neuf pièces dont deux « tençons »,trois « descorts », deux « sirventès » et un « planh » que voici.
ŒUVRE :
Le poète évoque le martyre et la mort de Raymond-Roger de Trencavel lors du siège de Carcassonne où il est fait prisonnier, jeté au cachot où il mourra de dysenterie le 10 novembre 1209.
Il s’élève avec une farouche indignation contre la barbarie des troupes de Simon de Montfort et de ses barons du Nord et surtout le manquement aux règles convenues de la chevalerie.
Cascuns plor planh son damnatge,
Sa malananç’e sa dolor,
Mas ieu las ! n’ai en mon coratge
Tan grand ir’e tan grand tristor,
Que ja mos jorns planh ni plorat
Non aurai lo valent presat,
Lo pro vescomte que mort es,
De Besèrs, l’ardit e-l cortés,
Lo gai e-l mièlhs adrech e-l blond,
Lo melhor cavalièr del mond.
Chacun pleure et plaint son dommage
Son malheur et sa douleur.
Mais moi hélas ! j’ai dans mon cœur
Une si grande colère et une si grande tristesse
Que je n’aurai pas assez de toute ma vie
Pour plaindre et pleurer le brave et valeureux
Et preux vicomte qui est mort
Celui de Béziers, le hardi et courtois,
Le joyeux et le plus juste, aux cheveux blonds,
Le meilleur chevalier du monde.
Mort l’an et anc tan grand otratge
Non vi om ni tan grand error,
Fach mai ni tan grand estranhatge
De Dieu et a Nostre Senhor,
Com an fach li can renegat
Del fals linhatge de Pilat
Que l’an mort, e pos Dieus mort pres
Per nos a salvar, semblant es
De lui qu’es passats al sieu pont
Per los sieus estorcer l’aond.
Ils l’ont tué et jamais si grand crime
Ni si grande faute on ne vit,
Ni un fait si étranger
A Dieu et à Notre Seigneur
Que celui commis par ces chiens renégats
De lignage félon de Pilate
Qui l’ont tué, et si Dieu a reçu la mort
Pour nous sauver, il en est de même
De lui, qui a subi le même sort
Pour délivrer les siens et les secourir.
Mil cavalièrs de grand linhatge
E mil donas de grand valor
Iran per la soa mort aratge,
Mil borgés e mil servidor
Que tots foran gent eretat
S’el visqués e ric et onrat.
Ar es mort ! A Dieus quals dans es !
Gardatz quals ètz ni qu-os es pres
Ni cel qui l’an mort qui ni dont
Qu’eras no-os acuèlh ni respond.
Mille chevaliers de grand lignage
Et mille dames de grande valeur
Par sa mort seront désespérés
Et aussi mille bourgeois et mille serviteurs
Qui tous auraient été bien dotés,
Riches et honorés, s’il avait vécu.
Maintenant il est mort !Ah Dieu, quel grand dommage !
Regardez qui vous êtes et ce qu’on nous a pris,
Et ceux qui l’ont tué, qui ils sont et d’où qu’ils viennent,
Car maintenant il ne nous accueille ni nous répond.
A senhor ! Tan fort deu salvatge
Esser al grand et al menor,
Quand del sieu onrat senhoratge
Nos membrarà, e de l’onor
Que-ns fetz e de la feusautat
Quand per nos l’agran mort jutjat,
Er es mort, ai Dieus ! Quals dans es !
Caitiu, come m tots a mal mes !
Ves, qual part tenrem ni ves ont
Penrem port ? Tot lo cor m’en fond.
Ah seigneurs ! Ce sera bien horrible
Pour les grands et les petits,
Quand de son honorée seigneurie
Nous nous souviendrons, et de l’honneur
Qu’il nous fit et de sa fidélité,
Quand ils le condamnèrent à mort pour nous
Ah Dieu, maintenant il est mort ! Quel dommage est-ce !
Misérables ,comm nous voilà tous mis à mal !
De quel côté nous tournerons-nous et vers quel
Port irons-nous ? Tout le cœur m’en fond.
Ric cavalièr, ric de linhatge,
Ric per orguèlh, ric per valor,
Ric de sen, ric par vassalatge,
Ric per dar e bon servidor,
Ric d’orguèlh, ric d’umilitat,
Ric de sen e ric de foudat,
Bèls e bons complits de tots bens,
Anc non fo nuls om que-os valgués.
Perdut avem en vos la font
Dont tot veniam jausion.
Riche chevalier, riche de lignage,
Riche de fierté, riche de valeur,
Riche d’esprit, riche de bravoure,
Riche pour donner et bon serviteur,
Riche d’orgueil, riche d’humilité,
Riche de raison et riche de folie,
Bel et bon, plein de tous biens,
Jamais ne fût homme qui vous valût.
En vous nous avons perdu la source
D’où tous nous revenions joyeux.
Cel Dieu prèc que fetz trinitat
De si meseis en deitat
Que-l cel ont lo major gaugs es,
Meta l’arma e non li pes,
Et a tots cels qui pregats son
De son ben socore et aond.
Je prie Dieu, qui fit la trinité
De lui-même en divinité,
Qu’au ciel où est plus grande joie,
Il accueille son âme et l’élève
Et qu’à tous ceux qui le prient
Il apporte pour leur bien secours et aide.
Bèl Papagais, anc ten vesat
No-om tenc amors qu’ar plus torbat
No-m tenga el dan que ai pres
Del melhor senhor qu’anc nasqués
Aitan quant clau mar en redon
Que m’an mort trachor non sai dont.
Bel Pagagai, jamais aussi joyeux
Amour ne m’a tenu qu’il ne me tient
Plus triste aujourd’hui par la perte éprouvée
Du meilleur seigneur qui jamais naquit
Dans les terres que la mer enclôt
Et que m’ont tué des traîtres venus je ne sais d’où.
N.B. : nous avons écrit un article sur le siège de Carcassonne et ses conséquences dans Gégéloccitan.
http://www.gegeloccitan.com/article-carcassonne-la-basalique-st-nazaire-les-chapelles-107297567.html