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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 18:44

 (8 août-septembre  1219).

    Le siège avait duré quarante-cinq jours durant lesquels « les adversaires se défendaient courageusement et puissamment. Les machines royales furent incendiées et le roi rentra en France » nous dit Guillaume de Puylaurens dans sa « Chronique ». Dans les jours qui suivirent la levée du siège, Centulle d’Astarac et ses compagnons de Marmande et Bernard-Othon de Niort, prisonniers à Puylaurens des armées royales furent échangés contre Jean et Foucaud de Berzy et Thibaut de Nonneville.

    Le 8 août, Centulle, revenu à Toulouse, fait rédiger à des notaires une charte de privilèges où il est écrit : « …Nous Centulle, par la grâce de Dieu comte d’Astarac, de notre personnelle et bonne volonté, en notre nom et au nom de tous nos héritiers et successeurs, donnons librement à perpétuité et concédons à tous les hommes et femmes de la Cité et du Bourg de Toulouse, tant présents que futurs, licence et libre pouvoir d’aller et venir, avec toutes leurs affaires, marchandises et objets de négoce, par tout le pays que nous possédons et tenons actuellement et dans celui que, grâce au Christ, nous posséderons et tiendrons dans l’avenir ou que nous pourrions acquérir…(Ils pourront aller), par terre et par eau, libres et exempts de pégage, leude, coutume tant anciens que nouvellement institués comme de tout usage et tolte, bref de tout prélèvement qu’aucun bayle, viguier, prévot ni agent institué par nous dans toute notre juridiction n’a le droit, en aucun temps, ni sur terre ni sur eau, d’exiger ou requérir ni percevoir de gré ou de force, des dits hommes de la Cité ou du Bourg de Toulouse, présents et futurs….

    Franchise et exemption données, étant consuls de Toulouse, Raymond Molinier, Guillaume Pons, Vital Bozom, Arnaud Guy l’aîné, Raymond Baragnon, Pierre Amiel, marchand, Arnaud de Baraigne, Bernard Arnaud, marchand, Barthélémy Saunier, Raymond de Cailhau, Arnaud Onde, Pierre-Guillaume Fabre, Raymond Pellefigue, Géraud Peytavi, Arnaud de Saint-Félix, Pons Palmade, Guillaume Bousquet, Pierre-Guillaume Gaubert, Bernard Gayraud, Aimery Auberger, Guillaume-Pierre de  Casals, Jean de Montlandier.

    Cette franchise et exemption a été donnée et concédée le huitième jour du mois d’août sous le règne de Philippe roi des Français, Raimond étant comte de Toulouse et Foulques, évêque.

    De cette concession de franchise et exemption sont témoins le seigneur Raymond, fils de seigneur comte de Toulouse et de la reine Jeanne (futur Raimond VII) ainsi que Bernard Jourdain de l’Isle et les consuls de Toulouse…

    Sont également témoins Arnaud de Villemur, présentement sénéchal de Toulouse, Pelfort de Rabastens, Géraud de Gourdon, Doat Alaman, Martin Chive, notaire et Pierre Raymond, notaire de Toulouse qui a rédigé cette charte à la demande du seigneur Centulle ».

Le 10 décembre, Raymond VI signe la même charte, concédant aux Toulousains les mêmes franchises fiscales sur tous les domaines, présents et futurs, à cette réserve près qu’il en excepte les taxes perçues sur le sel, le pain et le vin.  

    Par ces privilèges, dans une intention politique, le comte de Toulouse récompensait les Toulousains de leur courage (il faut relire le chapitre III de « La Canso » de Guillaume de Tudèle sur l’organisation de la défense de Toulouse tant la richesse des détails en font un document précieux), s’assurait de leur confiance et de leur dévouement, scellait l’union sacrée, face à la croisade, de la haute noblesse féodale et du peuple, car dans ces franchises, producteurs, négociants et consommateurs trouvaient leur compte, dans le même temps que les puissants faisaient le sacrifice d’une partie de leurs revenus. Les mobiles économiques sont évidents : ces franchises aidaient à relancer les échanges commerciaux après des années de guerre, de restrictions, de famines et de tragédies, restauraient les liens entre les habitants, rappelaient les valeurs de la culture occitane.       

    Pour les Toulousains cette charte n’était pas une nouveauté puisque ils disposaient de libertés favorisant le commerce et les  échanges même s’il avait fallu convaincre par la force de la milice municipale certains seigneurs du voisinage entre 1202 et 1205. Plus de vingt traités de paix entre les consuls et des seigneurs témoignent du bouleversement des pouvoirs : la « république ou res publica » toulousaine allait désormais occuper un pouvoir détenu jusqu’alors par les féodaux. Car il s’agit de reconstruire l’économie après les très lourdes pertes en vies humaines, les saisies et contributions forcées levées par l’occupant, les rapines et les ravages périodiques causés sur les cultures agricoles. D’autre part, les féodaux soutiennent le retour à l’économie normale car eux aussi ont été durement touchés : neuf chartes, entre 1219 et 1222, seront signées pour étendre les franchises du commerce à celui d’Astarac, ainsi qu’aux comtés de Comminges et de Foix, aux seigneurs de Rabastens, de l’Isle-Jourdain, de Montréal et de Laurac sans compter les privilèges accordés à d’autres villes.

    Dans cet indiscutable élan de patriotisme qui soulève le pays tout entier, il y a la prise de conscience que le comte doit compter sur l’appui du peuple et des consuls et que ceux-ci tirent leur légitimité de la réalité comtale. Tout au long des années de libération, le consulat ne relâchera jamais sa volonté d’émancipation et ceci conduira à des changements notables dans le recrutement social des magistrats municipaux. L’on constate une montée des partis populaires au détriment de la vieille oligarchie. Ce mouvement se continuera dix ans jusqu’à la croisade royale et à la Paix de Paris de 1229, marquant à chaque étape le recul du pouvoir féodal.

    Mais après 1229, sitôt la paix conclue, le comte et de nombreux barons du pays revinrent à l’état ancien, en matière d’exactions fiscales avec l’appui et l’encouragement du pouvoir royal.

    Or, le 8 août 1219, les consuls, saisis d’un sombre pressentiment, décident, par arrêté, de renforcer les défenses de la ville en élargissant les fossés extérieurs et décrétant que les lices devaient être considérées comme des zones militaires.

BIBLIOGRAPHIE.

DOM VAISSETE (J.) et DOM DE VIC (G.) : Histoire générale du Languedoc, tome VIII, Privat.

DE TUDELE (G.) et SON CONTINUATEUR ANONYME : La Chanson de la Croisade Albigeoise, Les Belles Lettres, traduction Gougaud H. , Livre de poche.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 1971-1989.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des cathares, Perrin, 2002.

DE PUYLAURENS (G.) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

DUVERNOY (J.) : L’Histoire des cathares, 2 tomes, Privat, 1976-1986.

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