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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 15:20

FORMATION :

      Né vers 1170 à Caleruega (Vieille-Castille) ; son père Félix de Guzman est gouverneur de la cité et sa mère Jeanne d’Aza appartient à une ancienne famille noble. Son éducation fut confiée à l’un de ses oncles, qui était archiprêtre. Puis il entra à Palencia pour apprendre les arts libéraux et fit des études de théologie. Ses biographes le décrivent sérieux, assez replié sur lui-même, rompu aux exercices de l’ascèse mais capable aussi de grands élans de générosité spontanée et de souriante bonté. Il conjugue à la fois la solitude mystique et le désir d’agir, la méditation et la nécessité d’être ouvert aux autres.

PREMIERE MISSION :

     Vers 1195, sur les conseils de Diègue d’Acébès, prieur du chapitre, l’évêque d’Osma le nomma chanoine du chapitre de la cathédrale. Ordonné prêtre à vingt-cinq ans, il devient sous-prieur en 1201. C’est Diègue, devenu évêque qui choisit Dominique pour l‘accompagner en voyage missionnaire au Danemark en 1203 : le roi Alphonse II de Castille souhaitait marier son fis avec une jeune fille noble du pays danois. Un an plus tard, de retour en Castille, ils apportaient la réponse favorable ; le roi les chargea d’y retourner pour chercher la jeune fiancée. Une nouvelle tragique  les attendait en Scandinavie : la jeune fille était morte.

     Avant de rentrer au pays, ils décidèrent de passer par Rome pour une audience avec le  pape. Diègue souhaitait d’être démis de sa fonction afin de se faire missionnaire auprès des païens. Innocent III refusa. Diègue et Dominique reprirent le chemin d’Osma vers 1206. Is firent un détour par la Bourgogne et s’arrêtèrent à l’abbaye de Cîteaux où, Diègue, impressionné par la vie monacale, revêtit l‘habit blanc des Cisterciens. Or, Innocent III avait écrit aux moines de Cîteaux pour demander de l‘aide dans l‘affaire occitane.IMGP3022.JPGIMGP3029-copie-1.JPG

LA RENCONTRE DECISIVE :

     Accompagnés de quelques moines, ils allèrent à Montpellier vers la fin août où ils trouvèrent les légats forts découragés par l’inefficacité de leurs prédications et les nombreux  problèmes rencontrés dans tout le Midi. Les hérétiques appuient leurs prédications par l‘exemple de la sainteté, de la dévotion, de la frugalité évangélique et de l‘austérité alors que les légats « étalent une façon de vivre opposée à celle des hérétiques ; vous édifierez peu, leur dit Diègue, vous détruirez beaucoup et ces gens refuseront d’adhérer…  Seule une humilité vraie peut vaincre la jactance de ces pseudo-apôtres… ». Diègue renvoya à Osma les gens du convoi, les voitures et les bagages et ne garda auprès de lui que Dominique. Ce sont eux qui ont introduit en Occitanie la prédication évangélique avec   l‘aide de deux légats Raoul de Fontfroide et Pierre de Castenau. Arnaud-Amaury était attendu à Cîteaux pour le chapitre général qui devait se tenir en septembre.

LA NOUVELLE PREDICATION :

      Cheminant vers le sud, à pied, mendiant leur pain et dormant sur le bord des chemins, lis s’arrêtent à Servian. Là, les prédicateurs entreprirent de discuter avec plusieurs parfaits dont  Bernard de Simorre, évêque du Carcassès, un nommé Baudouin et surtout Guillaume de Châteauneuf, ancien doyen du chapitre de Nevers, qu’hébergeait le seigneur des lieux, Etienne de Servian, gendre de la parfaite Blanche de Laurac. Le débat public dura une semaine au profit des catholiques au point que, selon Pierre des Vaux-de-Cernay dans son « Histoire Albigeoise », les habitants furent convaincus et voulurent chasser les hérétiques.      De Servian, ils allèrent à Béziers où ils restèrent quinze jours à prêcher et à discuter avec des habitants à majorité cathares et haineux à l’égard de Pierre Castelnau et de ses discours menaçants et qui ne cesse de brandir les foudres de l‘autorité. Il lui fut conseillé de se mettre quelque temps à l‘abri qu’il trouva à Villeneuve-lès-Maguelonne.

L’INCIDENT « MIRACULEUX » DE VERFEIL AVEC BERNARD DE CITEAUX :

      Après Béziers, ce fut Carcassonne où ils consacrèrent une semaine en sermons et en controverses. Puis, ils gagnèrent  Verfeil. Or, en 1145, Bernard de Cîteaux, accompagné de l’évêque de Chartres et d’un légat pontifical, se trouva dans cette ville et convia les habitants à l‘église qui, au milieu du sermon, se vida peu à peu, les notables en tête bientôt imités du petit peuple. Bernard les poursuivit sur la place publique, et, devant ses harangues violentes,  la plupart des habitants rentrèrent chez eux en claquant leurs portes. Avant de partir de la ville, Bernard la maudissant s’écria : «  VERT/FEUIL, que Dieu te dessèche » selon « La Chronique » de  Guillaume de Puylaurens. IMGP0336.JPG

LA CONTROVERSE THEOLOGIQUE :

      A Verfeil, les trois religieux trouvèrent devant eux deux parfaits très réputés : Arnaud Arrufat de Castenaudary et Pons Jourda de Verfeil. Un habitant de Drémil, Guillabert du Bousquet assura aux prêcheurs qu’il y avait peu d’hommes qui ne lui étaient pas acquis ; l’hérésie était  si florissante dans la région qu’elle avait gagné les bourgs voisins de Caraman et de Lanta. La  discussion s’engagea sur la nature (humaine et/ou divine) du Christ. Livres en main, Diègue montra, sans convaincre ses adversaires, que leur interprétation de l‘Evangile de saint Jean était erronée et pauvres leurs argumentations théologiques.

LETTRE D’INNOCENT III :

      Le 17 novembre 1206, les trois prêcheurs reçurent la lettre par laquelle Innocent III définissait officiellement la nouvelle méthode de prédication et ordonnait sa généralisation. « Simplement vêtus et ardents du cœur » selon les termes du pape, les missionnaires sillonnent alors  le Lauragais et visitent les foyers du catharisme : Mas-Saintes-Puelles, Castelnaudary, Laurac, Fanjeaux, Montréal. Ils ne sont pas toujours bien accueillis ;  il arrive qu’on leur jette de la boue au passage et que, pour se moquer, on leur attache de la paille dans le dos.

LE « COUVENT » SAINTE MARIE A PROUILLE :

      L’hiver 1206-1207 les surprit à Fanjeaux et, à l‘image des maisons que tenaient les parfaits et parfaites, Diègue et Dominique, récupérant une petite église à demi abandonnée, fondèrent, au pied même de Fanjeaux, un couvent à Prouille que l’évêque de Toulouse, Foulques, leur céda. L’évêque Bérenger de Narbonne leur envoya un don substantiel afin de montrer que les plaintes des légats à son égard étaient infondées. Il leur donna aussi l’église Saint-Martin-de-Limoux. Quelques dons des catholiques du pays arrivèrent bientôt, et dès le début de 1207, un clerc de Pamiers, Guilaume Claret, et sa sœur, se donnèrent avec leurs biens ; ce fut le premier couvent « dominicain » avant la lettre puisque l’ordre ne fut fondé que près de dix ans après. Le 8 août, un couple de serfs de Villasavary, affranchis par leur seigneur, entrèrent dans le couvent faisant don de leurs biens meubles et immeubles y compris leur maison et leur jardin. Alors que Guillaume Claret secondait Dominique dans l’administration, dix-neuf femmes, dont un certain nombre de parfaites, entrèrent comme moniales à Prouille. Tandis que, peu à peu le couvent s’organise et se développe, Dominique continue sa prédication itinérante ; il fera d’autres conversions à travers le pays, décernant aux repentis des lettres de pénitence attestant qu’ils avaient renoué avec la foi catholique. Il y eut quelques fausses conversions mais aussi de durables repentirs lors de la grande conférence contradictoire qui se tint quinze jours à Montréal au printemps 1207. IMGP2992.JPG

LE « MIRACLE » du FEU :

     Guilhabert de Castres était accompagné de Benoît de Termes, futur évêque cathare du Razès, le diacre Arnaud Hot, le parfait de Verfeil Pons Jourda et bien d’autres ; en face d’eux,  Pierre de Castelnau, enfin de retour, Diègue, Dominique, et Raoul de Fontfroide. On choisit quatre arbitres : deux chevaliers et deux bourgeois. La controverse porta essentiellement sur l’église catholique et sur la messe. Chaque partie fut conviée à mettre ses arguments par écrit. Ici, se place dans le légendaire dominicain un épisode aussi miraculeux que célèbre : on décida de faire subir aux deux libelles l’ordalie du feu. On les jeta dans une cheminée ; celui des cathares brûla aussitôt ; celui qu’avait rédigé Dominique rejaillit par trois fois des flammes si brûlant qu’il s’en alla marquer une poutre du plafond qu’on montre encore en l’église de Fanjeaux.

      Dans son « Historia Albigensis », Pierre des Vaux-de-Cernay, raconte avec force détails cet épisode.  

       La conférence terminée, arriva le légat pontifical Arnaud-Amaury avec douze abbés et autant de moines qui se répartirent en deux groupes pour poursuivre les prédications. Pierre de Castelnau gagna Toulouse et prononça l‘excommunication de Raimond VI et jeta l‘interdit sur ses biens. Innocent III confirme la sentence le 29 mai 1207 puis, le 17 novembre, il écrit à nouveau à Philippe-Auguste et aux grands barons. Il les presse de de partir au combat, il renouvelle en leur faveur les indulgences de la croisade, il met les personnes et leurs biens sous la protection du Saint-Siège. « …Puisque aucun remède n’a d’effet sur le mal, que celui-ci soit extirpé par le glaive… ».

L’ANECDOTE DU DEBAT A PAMIERS :

      Quant à la communauté, début automne 12O7, les ressources manquant, Diègue décide d’aller à Osma chercher de l’argent. Sur le chemin, il arrive à Pamiers où  il assista à un débat contradictoire entre catholiques et cathares. Du côté catholique, il  y avait Foulques, l‘évêque de Toulouse, Navarre, évêque de de Couserans et plusieurs abbés. Du côté hérétique, il y avait des cathares et des vaudois. L’arbitre choisi fut un clerc d’un grand renom, Arnaud de Crampagna.

       Si on méconnaît le sujet du débat, une anecdote est contée par Guillaume de Puylaurens dans sa « Chronique » :  Esclarmonde, une des deux sœurs du comte de Foix, Raymond-Roger, prit la parole ; frère Etienne de la Miséricorde, la rabroua vertement : « Madame, allez filer votre quenouille, il ne vous sied pas de parler en de telles réunions ».  Arnaud de Crampagna se détacha de sa croyance hétérodoxe et remit sa personne et ses biens aux mains de Diègue. Il se voua entièrement à la cause antihérétique et devint chanoine à l’abbaye de Saint-Antonin et accompagnera Dominique à Rome en 1221 ; en 1236, il fera fonction d’inquisiteur à Toulouse aux côtés de Jean de Navarre et de Guillaume Arnaud, future victime du massacre d’Avignonet.

     Diègue, à peine arrivé dans son évêché, usé par dix-huit mois de privations, de marches incessantes et de total dévouement, tomba malade et mourut le 30 décembre alors qu’il s’apprêtait à revenir à Prouille. Dominique organise la prédication à partir de Prouille puis depuis Toulouse de 1209 à 1211. Entre temps la croisade s’est abattue sur le Languedoc et la curie pontificale, fourbissant d’autres armes, élabore des méthodes coercitives radicales contre les hérétiques.  Dominique assiste au premier siège de Toulouse fin juin 1211.

     En février 1215, Dominique reçoit de Pierre Seilan, fis du viguier du comte de Toulouse, un ensemble de trois maisons proches du château Narbonnais de Toulouse où il installe ses disciples ayant pour mission de « s’en aller, dans la pauvreté évangélique, à pied, en religieux, prêcher la vérité évangélique ». En octobre 1215, Dominique part pour Rome rencontrer Innocent III pour lui demander la confirmation d’un « Ordre » qui serait et s’appellerait « des Prêcheurs » Le souverain pontife accepte à condition que l‘Ordre soit rattaché à une tradition régulière. Dominique choisit la règle de Saint-Augustin. L‘Ordre des Frères Prêcheurs obtient les confirmations d’Honorius III en 1216-1217. IMGP1721.JPG

     De retour à Toulouse, Dominique, qui s’est toujours tenu à l’écart de a croisade, envoie ses seize premiers frères prêcheurs  prêcher, étudier et recruter à Madrid, Paris, Bologne et Rome.  Puis ils vont vivre au prieuré Saint-Romain (à l’angle de la rue Saint-Rome et Jules Chalande aujourd’hui) avant de s’établir en 1230 aux Jacobins grâce à la donation de la famille Garrigue. En 1220, se tient à Bologne le premier chapitre général de l‘ordre qui s’est doté d’une législation originale : tout entier consacré à prêcher la Parole de Dieu, le frère doit accorder à l’étude assidue de celle-ci et au travail intellectuel une place fondamentale ; il doit renoncer à tout revenu et ne vivre que de la mendicité ; enfin, chaque frère participe au gouvernement de l’Ordre élisant avec ses pairs le prieur du couvent ; les prieurs à leur tour désignent le prieur provincial et ces derniers élisent le maître général de l‘Ordre. IMGP9308.JPG

     En avril 1221, Foulques, accompagné de Dominique et d’Arnaud de Crampagna, un des tout premiers compagnons de Dominique, se rendit à Rome avec huit moniales de Prouille pour constituer le premier couvent des sœurs de Saint-Sixte qu’i venait de créer. L’évêque Foulques donna au Maître des Frères Prêcheurs et à son ordre l‘église Sainte-Marie de Fanjeaux avec ses dîmes, droits, appartenances et revenus.  

     Lorsqu’il meurt à Bologne le 6 Août 1221, Dominique laisse un Ordre en pleine expansion comptant déjà vingt-cinq couvents. Ce n’est qu’en 1231 que Grégoire IX confie aux Prêcheurs la direction des tribunaux d’Inquisition. Il sera canonisé par ce pape en 1234. IMGP0539   IMGP0534

BIBLIOGRAPHIE :

DES VAUX-de-CERNAY (P.) : Historia Albigensis, Vrin, 1951.

PUYAURENS (G. de) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Perrin, 2002.

DUVERNOY (J.) : Le Catharisme, 2 tomes, Privat, 1976-2004.

LES CAHIERS DE FANJEAUX : n°1, n°3, n°8, n°20, Privat.

TUDELE (G. de) et son CONTINUATEUR : La Chanson de la Croisade Albigeoise, Livre de poche, 1989.

VAISSETE (J.) et DEVIC (C.) : Histoire générale du Languedoc, Privat.

Revue HERESIS : Le christianisme médiéval, Centre d’études cathares, Carcassonne.

COLLECTIF : Les Cathares, MSM, 2000.

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