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29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 14:37
  1. Contexte :

    Durant son noviciat et son ordination à Montségur, Arnaud Déjean, gardien de troupeaux et ouvrier agricole, connut une nouvelle visite (il y en eut entre 1232-1234 comme l’attestent dans leurs dépositions devant le tribunal de l’inquisition plusieurs requis comme Arnaud-Roger de Mirepoix le 22 avril 1244 : « … un messager vint me dire que le bayle du comte de Toulouse avait arraché du castrum de Montségur quatre hérétiques… » Des officiers comtaux accompagnés d’hommes d’armes qui se solda par l’arrestation, sans opposition aucune, de Jean Cambiaire, fils majeur de Guilhabert de Castres, et de trois autres parfaits. Bérenger de Lavelanet explique devant le tribunal de l’inquisition le 21 avril 1244 : «… Massip vint à Montségur avec de nombreux sergents, des chevaliers, des arbalétriers. Il arrêta le Fils Jean Cambiaire et trois autres hérétiques, sans que personne du castrum l’en empêchât. Il emmena avec lui les prisonniers, les livra au comte de Toulouse, et ils furent brûlés… ». Cette descente de police était conforme à ce que prescrivait l’inquisition séculière et à la lettre de son propre édit du 20 avril 1233 (en fait, cet écrit fut rédigé par l’évêque de Toulouse Raymond du Fauga et Gilles de Flagy, un chevalier désigné par le roi), en réponse de la bulle papale où Grégoire IX chargeait les Frères Prêcheurs de poursuivre les hérétiques.

     Raymond VII promulguait solennellement en la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse un édit dont la sévérité tranchait profondément avec ce qu’avait été jusques là son attitude personnelle. La force de cet édit amplifiait ce qui était contenu dans le Traité de Paris et une explicitation qui tient compte des conciles de Toulouse de novembre 1229, de Béziers de mars 1232. Gilles de Flagy porta copie de l’édit au roi de France. Le légat en envoya une pour confirmation. Le sénéchal de Carcassonne le fit publier dans toute sa sénéchaussée et en ordonna la publication. Sous peine de se condamner lui-même, Raimond VII ne pouvait plus se soustraire à l’obligation de conduire, dans ses propres Etats, l’inquisition séculière.

    Cette visite se conclut par des négociations entre Massip et les dignitaires de la communauté religieuse : Jean Cambiaire  et les trois autres parfaits se sacrifièrent avec l’accord de tous. Ce fut le prix de la survie de Montségur. Si les trois parfaits furent brûlés à Toulouse, Jean Cambiaire fut libéré ou s’évada avec la complicité plus ou moins tacite de ses gardes puisque treize témoignages nous le disent au Mas-Saintes-Puelles, à Fanjeaux puis à Avignonet en 1237.

    En 1241, Montségur est bien assiégé par une troupe du comte de Toulouse mais sans conviction alors qu’à Montargis  le 14 mars 1241, devant le roi, Raimond VII déclara : « …Nous ferons détruire le château de Montségur sitôt que nous pourrons en être le maître. Nous emploierons la force et tous les moyens, en toute bonne foi pour nous en rendre maître aussitôt que possible et de même nous effectuerons cette démolition au vu et au su de ceux que le seigneur roi aurait députés à cette fin… » ; Or, cette troupe est conduite par Jourdain de Lanta, fils d’un parfait mort sur le bûcher, et Pons de Villeneuve, un bienfaiteur de Montségur. Arnaud-Roger de Mirepoix devant le tribunal le 22 avril 1244 déclara : « … Alors que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, Pierre-Roger de Mirepoix y introduisit Raymond Maffre de Saint-Michel, qui était de l’armée du comte. Alors avec des chandelles allumées, Pierre-Roger conduisit l’arbalétrier Raymond Maffre à la maison de l’hérétique Bertrand Marty. Je n’y suis cependant pas rentré avec eux et je ne les ai pas vus adorer les hérétiques mais je crois bien qu’ils l’ont fait… ». Huit jours après le premier interrogatoire d’Arnaud-Roger de Mirepoix, son oncle Raymond de Péreille confirme les aveux et ajoute : «  Arnaud du Villar de Laval vint au castrum de Montségur. Il y resta bien quatre jours et prépara les arbalètes contre ceux qui tenaient Montségur assiégé pour le comte de Toulouse… ».

    La communauté de Montségur prit peur et, bien que l’armée du comte ait levé le siège trois jours après son arrivée, se prépara à assurer sa défense. Pierre-Roger envoya chercher auprès d’Arnaud de Miglos, bayle du comte de Foix, du matériel pour une catapulte ; il affirme le 15 décembre 1246 devant le tribunal : «… J’ai fait parvenir à Pierre-Roer de Mirepoix douze cordes et deux frondes pour servir à la pierrière et une arbalète… »

    La communauté religieuse prit aussi quelques précautions et, de Montségur,  huit sergents et chevaliers escortèrent jusqu’à Queille pour confier à un passeur, Aranud de Lascure, huit parfaites et India, parente du « faidit » Guillaume de Lahille comme le confirme le sergent Bernard de Joucou devant le tribunal le 3 mai 1244 : «… Alors que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, moi-même, Guillaume-Raymond de Laroque, Pons Sicre, Magalone de Chalabre, Brazillac de Cailhavel, Raymond Minier de Montferrier, Arnaud Domergue et Raymond Monic, nous fîmes sortir de Montségur, une nuit, l’hérétique India et sept autres femmes hérétiques. Nous les accompagnâmes jusqu’au castrum de Queille et les fîmes entrer chez Arnaud de Lescure… Les laissant là, nous revînmes sur nos pas… ».

2. Déposition :

J’ai ajouté entre parenthèses et en italique des informations complémentaires. L’an du Seigneur 1246, huit des calendes de mars (24 février 1247), Arnaud Déjean, témoin, ayant prêté serment dit : Un jour où je gardais mes bœufs dans le bois de Peigeret, j’y trouvai une cabane, et dans cette cabane les parfaits Pons de Sagonard (dans les années 1225, il prêchait en effet dans la région de Lanta avec le diacre Bernard de Lamothe puis Guillaume Richard), Jean Sabatier (il prêchait dans les environs de Montgiscard dès les années 1235) et leurs compagnons. Ils me demandèrent alors de ne le dire à personne, et me donnèrent du pain. Je mangeai et bus avec eux. Puis je partis, mais je ne les adorai pas alors, et ne vis pas qu’on les adore. Pour l’époque, il y a six ans environ. Item, j’ai vu deux ou trois fois ces parfaits dans ce bois et je vis avec eux Guillaume Garnier de Lanta. Et je les adorai plusieurs fois. Item, ces parfaits me demandèrent plusieurs fois de me faire parfait, ce que je fis à ma demande. Je fus reçu, hérétiqué et revêtu pendant quatre ans et je partis avec les parfaits. C’est le parfait Guillaume Richard (diacre de Saint-Paul de Joux, il assurait son ministère depuis 1229 puis il vivait dans une grotte de Caragoudes vers 1243). Et je restai dans cette cabane avec ces parfaits huit jours. Puis le parfait Guillaume Richard m’amena à Montségur et je restai là dans la maison du parfait Guillaume de Lanta deux ans (il fut confié à un clerc pour son noviciat où il apprit les prières et les abstinences pour ensuite recevoir le consolament d’ordination). Je vis là, dans la maison de Guillaume Richard, Pierre-Roger de Mirepoix, coseigneur de Montségur, adorer plusieurs fois le parfait Guilhabert de Castres, et je vis là plusieurs hommes que je ne connaissais pas adorer les parfaits. Pour l’époque, il y a six ans environ… La fin de sa déposition s’arrête malheureusement là comme une quinzaine d’autres parmi les soixante-douze qui constituent le dossier de Montségur.

3. Commentaires :

Les faits concernent les années 1240-1242. Dans sa déposition, il nomme : l’évêque Guilhabert de Castres, : un diacre, Guillaume Richard, : trois parfaits, Pons de Sagornac, Jean Sabatier et leurs « soci » ou compagnons et Guillaume de Lanta, : Pierre-Roger de Mirepoix, coseigneur de Montségur. Il parle d’une nombreuse assistance d’hommes qu’il ne connaissait pas. L’interrogatoire suit un ordre immuable : le prévenu doit dire s’il a vu des parfaits et qui les a vus avec lui. Suivent les aveux d’assistance à la prédication et d’adoration. Ceci est capital pour les inquisiteurs car elles attestent la qualité du « croyant » et donc de la sentence appropriée. La description des rites (adoration, bénédiction du pain, consolament…) sont exactes mais condensées à de formulaires du notaire («… comme il a été dit »). La reproduction in extenso du rite est due à des cas de variante ou d’importance décisive pour éclairer le tribunal ; dans ce cas des questions sont posées au prévenu afin d’obtenir des détails significatifs. Dès 1229, l’Eglise cathare entre définitivement dans la clandestinité et durant les quinze premières années (1229 à 1244-1245) cette clandestinité nous est connue par de nombreux documents qui nous montrent son organisation ; la hiérarchie est maintenue au sein de l’Eglise qui assume sa fonction de prédication et de distribution du consolament aux mourants ou à ceux qui, croyants, demandent à être reçus et revêtus. Cette errance clandestine est favorisée par des réseaux de complicité au sein de la société des croyants ou des sympathisants à la cause cathare. Le diacre Guillaume Richard rejoignit la communauté cathare en Lombardie. Les autres franchirent les Pyrénées et s’établirent dans l’Aragon où vivaient des familles cathares.

4. BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : Le Catharisme, 2 volumes, Privat, 1976 et 1979.

DUVERNOY (J.) : Le dossier de Montségur, Le Pérégrinateur, 1998.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 volumes, Perrin, 1202 à 1298.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Perrin, 2002.

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