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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 17:49

Le 16 mai 1216 Raimond VI et son fils « Ramonet » entraient dans Avignon (lire le chapitre XVII – le jeune comte Raimond en Provence – dans La Chanson de la Croisade Albigeoise) en liesse où des milliers d’hommes et de femmes s’empressaient au-devant du cortège en criant : « Vivat ! Gloire à ceux de Toulouse… Dieu nous aime ! Il vient à notre secours ! ».

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 Le lendemain, la Provence se déclarait en guerre contre la croisade royale alors que le Concile de Latran (11-30 novembre 1215) qui avait prononcé la déchéance pour le comte de Toulouse de ses titres et de ses biens entérinait le triomphe de Simon de Montfort.

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Revenu à Marseille, Raimond VI rejoint Salon où, autour de Guy de Cavaillon (troubadour et familier de la cour comtale de Toulouse), s’étaient rassemblés un grand nombre de ses vassaux du marquisat. De là, avec ces nouveaux renforts, il revient sur Avignon. L’enjeu de ce soulèvement est clairement exposé dans le dialogue (même ouvrage, même chapitre) entre le poète et le comte :

« Voici venu le temps de nous rendre l’honneur, sang de nos cœurs que Simon de Montfort et les prédication de l’Eglise de Rome ont accablé de honte et foulé sous leurs bottes. Enfant, il vous revient de de lui réchauffer l’âme et de lui rendre vigueur et, par lui ranimé, de nous redonner vie… » « Guy vous me touchez fort. Vous me plantez au cœur grande joie…Si Dieu me garde en vie parmi mes compagnons, si, comme je l’espère, Il rend aux miens Toulouse, nul ne salira plus notre honneur, je le jure… Ma cause est exaltante et si mes ennemis se font tigres griffus, je me ferai lion ! ».

Dans une « tenson », Guy de Cavaillon dialogue avec le jeune Raimond (futur Raimond VII) :

« Seigneur comte, lui demanda Guy de Cavaillon, je voudrai savoir

Ce que vous préféreriez :

Que le pape vous rende

Votre terre par affection,

Ou que par chevalerie

Vous la conquériez avec honneur

Endurant froidure et chaleur.

A quoi Raimond répond :

Par Dieu ! Guy, j’aimerais mieux

Conquérir Prix et Valeur

Que tout autre richesse

Qui me vaudrait déshonneur ».

Ainsi la «  reconquista » est une affaire d’honneur à travers la conscience que l’invasion, la défaite et la dépossession ont bouleversé les modes de vie et les valeurs occitanes pour la société toute entière. Il s’agit donc de restaurer la légitimité et effacer les humiliations violentes et mortifères dont souffrit le grand Languedoc.

Le 11 mai Raimond le jeune envoya un courrier aux consuls d’Agen pour leur ordonner de lever une armée sous le commandement du sénéchal Arnaud de Tantalon. Raimond VI quitte Avignon à la rencontre de Guillaume de Baux, prince d’Orange et  son plus vieil et puissant adversaire dans le pays, dont les domaines étaient enclavés dans ceux du marquisat toulousain. Ce dernier lui promet la neutralité qui ne durera pas et, deux ans plus tard en 1218, redevenu hostile, il sera massacré par les Avignonais.

Raimond VII reçut « Pernes, Malaucène et Beaumes et maints autres châteaux de ses vassaux où il mit garnison » raconte Guillaume de Tudèle dans « La chanson de la croisade Albigeoise » au chapitre XVII. Raimond le jeune participe au ralliement de nouvelles villes et forteresses comme Tarascon, l’Isle-sur-Sorgue, Pierrelatte, Vallebrègues et bientôt Beaucaire, Bellegarde et Redessan. Avec les villes, se joignent des notables tels Audebert de Noves, juge et chevalier en Venaissin, les Tarasconais Raimond Gaucelm et Albeta, six consuls d’Avignon dont le chevalier-troubadour Bertrand Folcon qui sera plus tard viguier de Raimond VII à Beaucaire. Viennent aussi des officiers comme Anselmet, fils du viguier de Marseille, Rostand de Pujant, Raimond de Salles. Les grands vassaux adhèrent à la cause tels Adhémar de Poitiers, comte du Valentinois et de Diois et son fils Guillaume, Dragonet de Mondragon, grand seigneur de Vaison, Bollène et Saint-Paul-les-Trois-Châteaux, Guiraud-Adhémar, seigneur de Montélimar et de la Garde avec son fils Guiraudet, Guillaume-Artaud de Die avec son fils Isoar, Ricaud, seigneur de Caromb, Pons de Saint-Just, coseigneur de Pierrelatte, Bertrand Porcelet, chevalier arlésien et vassal de l’archevêque et frère de Guillaume Porcelet dont le nom fut cité en 1209 à propos de l’assassinat de Pierre de Castelnau et de sa suite à Avignonet. Une foule de seigneurs s’adjoint tels Bernis de Muriels, vassal de l’archevêque de Vienne, Aymon de Caromb, Guigue de Gaubert, Alfan Romieu, Hugues de la Balesta, Jean de Nagor, Hugues de Laens, Datil, Raymond Bélarot, Raimond de Montauban et Pons de Mondragon. Des barons de la rive droite du Rhône, tels Eléazar d’Uzès viennent grossir les troupes ainsi que des comtes catalans de Provence comme Pierre de Lambesc, Rostand de Carbonnières et Pierre Bonace. Des « faidits » languedociens se joignent au groupe tels Guillaume de Minerve, le chevalier Arnaud Féda, ancien familier de Roger Trencavel et Pierre de Mèze qui sera récompensé plus tard de ses services par une part de la seigneurie de Loupian et qui restera longtemps dans l’entourage des comtes de Toulouse, de Comminges et de Foix. Parmi les rebelles, on compte Guillaume de Belafar dont les domaines étaient proches de Capendu et Bernard de Roquefort, futur viguier de Castelnaudary. Il  est à noter un conseiller personnel de Raimond VI, Pierre-Raymond de Rabastens qui avait assisté le comte à Rome au cours des débats du concile et un fils naturel du comte, Bertrand qui participera à la défense de Toulouse (13 septembre 1217-25 juillet 1218) à la bataille de Baziège (printemps 1219).

Face aux forces du comte de Toulouse, le parti adverse peut compter sur les prélats et le clergé provençaux qui dès 1213 avaient alerté le Saint-Siège contre Raimond VI et  Toulouse. « Evêques, moines, clercs haïssent le jeune homme (il a dix-neuf ans) » dit La Chanson. Des villes se déclarent ennemies, Nîmes, Courthézon, Saint-Gilles que présidait un vieil adversaire du comte de Toulouse, l’abbé Pons en 1215. Le frère du prince d’Orange, Hugues, seigneur des Baux, ainsi que son beau-frère Lambert de Montélimar sont totalement hostiles ainsi que Raimbaut, seigneur de Lachau, en Dauphiné et surtout le seigneur d’Alès, Raymond Pelet que La Chanson de la Croisade Albigeoise traite « de lâche et de cupide » tant il avait intrigué pour se faire attribuer le comté de Melgueil. D’autres nobles de la région se rallieront au parti des Croisés comme Jehan de Senuc, le Beaucairois Raymond de Roquemaure ainsi que deux anciens vassaux de Trencavel, Pierre Mir et Nègre de Laredorte.

Voici ce qu’écrit Pierre des Vaux-de-Cernay dans son « Histoire des Albigeois » au chapitre LXXXIII : «  Simon de Montfort, s’étant rendu près du roi Philippe-Auguste, reçut l’investiture du duché de Narbonne et du comté de Toulouse plus des fiefs relevant de la Couronne que les Croisés avaient acquis contre les hérétiques et leurs défenseurs et en assura la possession à ses descendants » ; et sur le futur Raimond VII il en parle ainsi : « contrevenant en tout aux mandats apostoliques, non à cause de sa grande jeunesse, mais plutôt par colère, méprisant en outre la notable faveur et abondante miséricorde que le souverain pontife lui avait accordée, bien qu’il en fût indigne, vint aux contrées provençales ; et, conjurant contre Dieu, les droits civils et canoniques, il occupa avec le secours des Avignonnais, des tarasconnais et des Marseillais, de l’avis et par l’aide de certains nobles de Provence, le pays que le noble comte de Montfort tenait en garde par l’ordre du seigneur pape ».

Raimond VI décide, après avoir constitué un conseil auquel il confie son fils, de se rendre auprès de ses alliés de 1213 en Catalogne- Aragon qui connaissait de graves tensions autour de la question successorale après la mort de Pierre II à Muret le 12 septembre 1213. L’infant Jacques Ier n’avait que huit ans en 1216 et son grand-oncle Sanche, régent de Provence depuis 1209, était devenu procurateur du royaume et rêvait d’en devenir le roi tout en se heurtant au camp des légitimistes. Raimond VI restera dix-huit mois et trouvera les renforts espérés pour son retour.

Le conseil provençal décide d’aller au plus vite bloquer Beaucaire qui est devenu, depuis 1215, le quartier général de l’armée croisée pour la partie orientale du pays conquis. Simon de Montfort y avait installé le sénéchal Lambert de Thury, un Bourguignon qui avait été de tous les combats depuis 1909, son neveu de Guillaume de la Motte et Rainier de Chauderon, baron fidèle dès le début de la Croisade. La garnison était composée de chevaliers et de sergents tels les trois occitans transfuges, Raymond de Roquemaure, vassal de Raimond VI, Bernard Adalbert et Pierre de Saint-Prais qui rentrera en grâce auprès de Raimond VII et qui deviendra bayle de Lavaur.

 

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